mardi 8 octobre 2013

En équilibre sur un fil


Rencontre avec Grégory Rusdikian, Coeur de lune photographie.



"Je ne sais pas trop ce qui m'a poussé à faire de la photographie. Du moins je n'ai pas le sentiment d'avoir eu une démarche construite et précise avant de commencer. Ce n'était pas une vocation de départ.
J'ai plutôt le sentiment d'avoir eu un ensemble d'influences visuelles qui m'ont poussé vers cette voie, sans que je ne me rende compte de ce cheminement intérieur."






Grégory Rusdikian est un ami rencontré grâce à la communauté steampunk parisienne. Difficile de ne pas le remarquer, même s'il tente de se dissimuler derrière un énorme appareil photo.
Son travail, accompli sous le nom de Coeur de lune, m'a tout de suite parlé. Des images très douces, situées juste après le réel, juste avant l'onirisme, en parfait équilibre sur cette frontière ténue.
Depuis, son travail a évolué, toujours dans une direction qui a su me parler.





Ses inspirations, il les a tout d'abord trouvées dans la Fantasy, la SF, la bande-dessinée. C'est donc assez naturellement que lorsqu'il a commencé la photographie, il s'est tourné vers les "communautés de personnes passionnées et créatives", comme il les décrit. Il a recherché ses modèles parmi les adeptes de cosplay, de steampunk, de reconstitution historique.


"Les modèles qui acceptent de poser pour moi gravitent dans ces univers là et me donnent la chance de pouvoir témoigner de la présence qu'elles dégagent. Lorsque je propose une séance sur un thème précis, j'agrémente souvent le projet de séance par des photos ou des illustrations qui m'inspirent, pour la lumière, l'ambiance, les postures, la composition. J'échange beaucoup avec les modèles, et chacune apporte sa pièce à l'édifice."





Je me suis tout de suite trouvée très à l'aise avec Grégory. J'aime travailler avec lui parce que j'aime passer du temps avec lui. La séance photo en deviendrait presque un prétexte ... Je ne me dis jamais "aujourd'hui je vais faire une séance photo avec Grégory". Je me dis "je vais passer la journée avec un très bon ami". Et ce sont toujours des journées très agréables, où l'on rit (beaucoup) où l'on mange (très bien car Grégory est aussi un très bon cuisinier) où l'on parle (énormément car c'est une petite piplette sous ses airs timides) et où l'on fait de la photo (un peu quand-même).
Des son côté, Grégory avoue tout de même que "le déroulement de la séance est assez détendu ... sauf pour [lui] !"

"J'appréhende toujours la maladresse. J'essaie de trouver un équilibre entre la direction de la séance où j'essaie de donner beaucoup d'indications, et l'espace de liberté que je pense nécessaire pour la modèle. Le contrôle donne un cadre, une cohérence, mais c'est dans l'espace de liberté que l'on se révèle... Par conséquent j'ai souvent l'impression de marcher sur un fil.
Et c'est avec ma démarche de funambule en quête d'équilibre que je poursuivis mon introspection, toujours surpris de voir à quel point et surtout de quelle façon une personne peut se dévoiler en incarnant un personnage. Je vois des instants de force, de détermination, de fragilité parfois. La photographie devient un révélateur, s’inscrit dans une démarche personnelle et intérieure, tant pour la modèle que pour moi".





Si la photographie définit tellement Grégory, c'est parce qu'elle prend une très grande place dans sa vie. Quand on ne fait pas de séances photo, on parle photos (pas seulement ... mais beaucoup !) ou appareils-photo, ou on part ensemble photographier des parcs, des statues. C'est pour ça que si on me demande ce que fait Grégory, je réponds instinctivement "il est photographe" même si je sais qu'il est juriste par ailleurs.
Grégory dit lui même ne pas être très prolifique "contrairement à d’autres photographes qui font plusieurs séances par mois". Il passe beaucoup de temps à découvrir le travail d'autres photographes, à lire et se documenter sur la photo. Il écrit également.
"Parallèlement à mes séances, je m'intéresse de plus en plus à la photographie instantanée, humaniste, aux tranches de vie..."



Mais ce lien qui me paraît si naturel entre Grégory et la photographie est peut être aussi dû au fait qu'elle influence sa vie de façon plus profonde.
"La photographie m'a fait évoluer dans mon rapport aux autres, je sors petit à petit de ma bulle. Cela peut paraître étrange mais la distance imposée par l'objectif m'a finalement permis d'aller vers une plus grande proximité. On voit les choses différemment à travers un objectif, on fait attention à tous ces petits détails qui paraissent insignifiant : un geste, une expression... Des petites choses en arrière plan, peu (ou pas) visibles dans une séance dirigée, mais particulièrement flagrantes dans la photographie instantanée."




Je vous ai dit plus haut que je voulais vous faire découvrir le travail de Grégory Rusdikian car son oeuvre avait su me parler. Ca ne serait que vous livrer une petite partie de la vérité. Si je voulais vous parler de lui, c'est aussi parce que c'est une personne que j'estime énormément et que j'aime beaucoup pour qui il est, indépendamment de la photo finalement.
Il y a beaucoup de photographes dans le milieu de steampunk et de la reconstitution, mais j'ai choisi de vous présenter le travail d'un ami.
On pourrait croire que la timidité peut être un frein quand on doit aborder des modèles et diriger une séance photo, mais sa timidité est en fait du respect.
On pourrait croire que la gentillesse est superflue dans ce milieu , mais sa gentillesse est ce qui le définit le mieux et ce qui donne envie de travailler avec lui.
Si ce blog est dédié à la beauté, j'ai ici un sujet de choix, car au-delà de la beauté des photos, je vous parle de beauté humaine.




"Je me demande si je ne marcherai pas toujours sur un fil, entre contrôle et liberté. Peut être que la véritable liberté tient en équilibre sur ce fil..."